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Tribunes

15 mai 2023

Communication : de quoi la sobriété est-elle le nom ? 


Numérique, matérielle ou environnementale, la sobriété règne sans partage dans nos fils d’actualité et autres threads Twitter. Si la notion est loin d’être nouvelle, elle a connu un regain de popularité à l’aune de la crise énergétique, notamment lorsque le président de la République nous a enjoint à opérer une « grande bascule », celle qui marque « la fin de l’abondance et de l’insouciance ».

Plus qu’une démarche individuelle cantonnée à des publics éveillés, la sobriété devient un devoir civique. Gouvernement, médias, entreprises : toutes nos institutions piliers se sont approprié le concept et le promeuvent, mais quels en sont les enjeux, les solutions et surtout, l’impact sur nous, communicant.es ?

Sobriété : retour aux sources

Au sens étymologique du terme, la sobriété renvoie à la modération éthylique. On ne résiste donc pas à filer la métaphore : après des décennies d’ivresse et de croissance frénétique, les rapports du GIEC nous ont plongé dans une profonde gueule de bois et l’on se jure que jamais, plus jamais on ne nous reprendra à de tels excès… En somme – et pour reprendre les termes de l’ADEME – il est temps de « faire évoluer nos modes de production et de consommation, et plus globalement nos modes de vie, à l’échelle individuelle et collective ». La sobriété doit devenir l’épithète de tous nos enjeux.

Elle a d’ailleurs déjà modifié les comportements de consommation. Comme le souligne Anne Vall dans son ouvrage Minorités en mode majeur, ce qui était l’apanage d’une minorité est devenu un projet de société porté par les consommateurs. Slow life, zéro déchet, tourisme responsable, avènement de la seconde main et du vintage, économie locale et artisanale en sont autant d’exemples. Depuis cet hiver, c’est la sobriété énergétique qui s’ancre au cœur des habitudes de consommation, et des préoccupations puisque plus de 88% des Français.es la perçoivent désormais comme un impératif. À plus vaste échelle encore, la sobriété est aussi économique, avec un défi ambitieux : le Green Deal. Une coalition européenne comme on n’en avait plus vu depuis le siècle dernier, instaurant un « Pacte vert » censé nous prémunir de tout effondrement civilisationnel.

De la sobriété subie à la sobriété choisie

En déclaratif, nous serions donc prêt.es à « sacrifier » nos modes de vie actuels en faveur du bien commun. « Sacrifier » entre guillemets, car si la sobriété s’oppose à l’opulence, elle peut vite s’apparenter à l’ascétisme dans l’imaginaire collectif.

Dans un contexte multi-crises, la sobriété imposée par l’actualité a des accents prononcés d’austérité, ce qui contribue à nourrir un sentiment d’injustice déjà trop présent. Un ressenti notamment partagé par les plus défavorisé.es, pour qui la frugalité n’est pas un progrès mais une contrainte, voire un frein à l’ascenseur social. De plus, la charge mentale que l’on fait peser sur les individus apparaît bien lourde quand les changements de fond ne semblent pas toujours menés à l’échelle de l’État et des entreprises.

De prime abord, sobriété et choix paraissent donc antinomiques, car l’une semble contraindre l’autre. Pour embrasser le mouvement de la sobriété, il est donc nécessaire de cesser de l’associer à la privation. Vincent Liegey et Isabelle Brokman défendent à l’inverse une sobriété « joyeuse et émancipatrice », dans un nouveau modèle favorable à toutes et tous. Encore faut-il être disposé.es à opérer un changement radical de pratiques, mais aussi et surtout de pensée. Car pour que la sobriété soit choisie consensuellement, il nous faut redéfinir l’ensemble de notre système de valeurs et remodeler nos imaginaires sur ce qui est justement valorisable.

Et c’est là que le bât blesse pour nous communicant.es… Au-delà de ces valeurs et imaginaires qu’une publicité « sobre » aura vocation à réinventer, notre secteur doit également repenser ses modèles économiques, ses façons de concevoir et de produire la communication, ce qui implique des défis à toutes les échelles :

Sobriété et publicité : un changement de paradigme

Osons le dire, la sobriété risque de remettre en cause… notre propre raison d’être en tant que communicant.es. Lorsqu’elle n’est pas frontalement affichée comme l’ennemi public numéro 1, la publicité reste désignée comme un obstacle majeur aux politiques de sobriété. Ainsi, l’accusation en greenwashing figure-t-elle en tête des plaintes déposées auprès de l’ARPP (73% pour la seule année 2022). À l’image d’autres concepts comme la durabilité, la sobriété ne doit pas tomber dans l’écueil d’un sens qui se dilue à mesure que son usage se diffuse.

Outre la nécessaire critique de nos productions, c’est une réflexion sur l’avenir des modèles publicitaires que nous devons engager, comme le suggéraient déjà les membres de la Convention citoyenne pour le climat dès 2020. Si peu de leurs propositions ont été retenues, elles ont ouvert la voie à des rapports comme celui de l’Institut Veblen et de l’ONG Communication et démocratie qui propose l’instauration d’une taxe de 8% sur les dépenses publicitaires. Une idée audacieuse mais épineuse, car les investissements publicitaires pèsent toujours très largement dans l’économie des grands médias. C’est toute la chaîne de valeur qui risque d’être bousculée et doit donc se réinventer.

Sur le strict plan légal, la loi Climat et résilience de 2021 fixe un premier cap d’ici à 2050, mais notre secteur n’a pas attendu les évolutions légales ni la vindicte populaire pour faire son auto-critique et son auto-régulation. Normes, labels, guides ou groupes de réflexion : de nombreux outils et référentiels existent et nous encouragent à penser la sobriété de manière transversale. À titre d’exemple, le dernier guide de la communication responsable de l’ADEME explore quatre piliers : les messages responsables, l’éco-socio-conception des supports, le dialogue avec les parties prenantes et l’efficacité et l’éthique des affaires.

C’est à travers eux que nos métiers doivent opérer leur mutation, une transformation peut-être plus profonde et durable encore que celle du numérique en son temps. Thierry Libaert, président de la catégorie Consommateurs et environnement au Comité économique et social européen, le résume ainsi : « La transformation du métier de communicant doit être vue comme une formidable opportunité pour redonner du sens à la fonction, renforcer l’attractivité du métier et favoriser l’avènement d’une société en phase avec les limites de notre planète, une société plus sobre et désirable. »

Chez WAT, nous souscrivons pleinement à cette vision optimiste et nous engageons nos forces dans de nombreux chantiers qui impliquent l’ensemble des métiers et des collaborateur.ices de l’agence. Une communication plus sobre, plus éthique et plus utile : tels sont les trois principes directeurs de notre référentiel de la communication responsable. Cet outil a pour ambition d’être intégré à l’ensemble de nos projets pour optimiser leur impact positif, dès la phase amont de réflexion.

Et pour partager nos bonnes pratiques avec vous, nous avons mis en place les Trustdays, une série de conférences dédiées à la communication responsable et à la sobriété : découvrez ici le replay de notre 1ère édition dédiée à l’éco-socio-conception en digital et notre solution : l’Index Numérique Responsable by WAT.

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