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Tribunes

25 novembre 2021

Si le papier disparaissait, que feriez-vous ?

Si les dystopies et autres films catastrophes n’ont eu de cesse de nous abreuver de scenarii apocalyptiques où soudainement internet disparaissait, personne n’a encore envisagé ce qu’engendrerait la disparition du papier. Si le digital a fondamentalement changé nos vies, transcendant nos quotidiens, nos récits, nos échanges personnels et professionnels, parfois même nos constructions (ou destructions) identitaires quand est-il de ce medium si commun qu’on en oublie la place qu’il occupe dans nos vies ? Support des civilisations, de l’éducation, de l’information, de la communication, de l’évasion, de l’expression même de tout ce que l’humain a à partager, le papier fait aujourd’hui tapisserie. Or, à l’instar de plusieurs autres matériaux, il est aujourd’hui menacé.

La machine est lancée.  

2020, la pandémie qu’on ne nomme plus frappe le monde entier. Aux conséquences dramatiques qu’a eues la COVID 19 sur la santé mondiale s’est adjoint une crise économique à faire pâlir 2008. Vous connaissez l’histoire, vous l’avez vécue. Vous connaissez surement aussi celle de l’effet papillon où un battement d’aile peut provoquer un ouragan … une série de causes à effets qui, sans que nous ne puissions en appréhender tous les rouages, aboutit à une situation préoccupante. Dans l’histoire qui nous occupe – celle du papier et de sa raréfaction– le confinement est notre lépidoptère.

Tandis que reclus.es, nous nous jetions sur les produits technologiques pour passer le temps ou continuer à travailler, la production de puces électroniques a été sur-sollicitée de telle sorte qu’aujourd’hui, le délai se rallonge pour obtenir un téléphone… ou une voiture, elle-même tributaire de ce composant. Cet exemple n’en est qu’un parmi tant d’autres car les chaînes d’approvisionnement et de production ont été fortement impactées par la crise et les confinements à répétition. Comme l’ont déjà expliqué les médias Usbek & Rica  ou France TV Slash, il se trouve que l’une des matières premières qui nous manque particulièrement en ce moment, c’est le bois. Tandis que d’une part les usines fermaient à tour de rôle, le bois s’est raréfié et est devenue une denrée des plus prisées pour les industries, car sans bois, pas de palettes. Pas de palettes, pas de transport de marchandises. Pas de transport de marchandises … on en revient à la crise. Après le papillon, c’est le serpent qui se mord la queue qui rentre dans notre bestiaire apocalyptique.

Cette pénurie de bois bouleverse tous les secteurs sans distinction mais certains sont plus directement touchés, tous ceux qui dépendent du bois de construction d’une part, ceux qui ont besoin de pâte à papier d’autre part.

Le mardi 9 novembre 2021, les éditions De Saxus s’adressaient à leurs abonné.es pour les informer des conséquences de cet épuisement croissant de matière première telles que les quotas appliqués par les papetiers avec des délais de réapprovisionnement ou des décalages de parutions ou de rééditions, une situation amenée à demeurer incertaine jusqu’à la fin du mois de janvier 2022. Angoisse pour les lecteurs et lectrices chevronné.es et nouveau scenario d’une énième crise pour l’année à venir. Et si le monde de demain était sans papier ?

Plus de livres. Pour la lecture au coin du feu, pour les contes de fées et les cours du soir, pour réviser le permis ou le baccalauréat, pour dénicher les meilleurs restaurants et randonnées à l’étranger ou pour faire des recherches et remplir nos bibliothèques.

Plus de carnets. Pour écrire nos dernières idées révolutionnaires ou le manuscrit d’un prix Goncourt, croquer la prochaine œuvre d’art séculaire ou la robe qui fera sensation au futur MET Gala.

Plus de journaux, de brochures ni de magazines. Pour suivre l’actualité avec des articles et reportages de fond, pour s’informer, se divertir ou pour faire des collages de nos stars préférées sur le mur que les parents ont interdit de percer.

Adieu aux affiches publicitaires ou artistiques. Celles qui nous font découvrir de nouveaux produits, nous disent où tourner pour trouver le prochain fastfood ou qui décorent nos rues et colorent le métro. Plus de post-it pour les courses ou les fameux « brainsto’ » non plus.

Plus de lampions, de lettres, de cartes postales ou routières, de papier cadeau, d’emballages, de brochures ou de rapports annuels, d’albums ou de photos, plus rien de tangible, de durable, de chérissable à travers le temps. Plus de trace.

Plus de mots d’amour, aussi. Ou de papier toilette, surtout.

Réglées ou non comme du papier millimétré (lui aussi disparu dans ce scenario), nos vies s’écrivent depuis si longtemps sur le papier qu’on ne saurait faire une liste exhaustive de tout ce que l’on perdrait s’il venait à disparaitre définitivement. C’est par l’absence et le manque que l’on mesure l’importance, n’est-ce pas ?

Négligé en faveur du numérique, le papier mérite pourtant de retrouver ses lettres de noblesses. Nous l’avons dit, il dure dans le temps et dans les mémoires, parce qu’il est un objet tangible qui stimule notre mémoire, notre imaginaire et nos sens : caresser le grain du papier, observer ses nuances et ses couleurs, sentir son odeur caractéristique… Comme l’exprime si bien Sophie Pajot, Directrice de production de l’agence WAT : « le papier offre une expérience unique et durable, riche en sensation et en émotions ».

Au-delà de l’aspect émotionnel particulièrement stratégique pour les communicants, contrairement aux idées reçues, le papier est bien plus responsable que l’on ne pense. Produit à partir de forêts durables, recyclable et recyclé, parfois même biodégradable, il devient un medium de plus en plus doux pour la planète comparé à nos multiples dispositifs numériques énergivores.

Nous n’imaginons pas le nombre d’innovations qui ont vu le jour depuis nos premiers émois écologiques. Si le papier recyclé est désormais connu de toutes et tous, avez-vous déjà entendu parlé du papier « up-cyclé », un papier conçu dans une logique d’économie circuleure à partir des déchets à partir de de déchets de processus de production comme les grains de café, de cacao ou coquille de noisettes, mais aussi de paille, de houblon et même de pierre. Oui, de pierre. (Comment désormais jouer à pierre, feuille, ciseaux ? On se le demande …).

Le papier revalorise ainsi nos déchets, tout en valorisant nos créations, nos échanges et nos expériences, pour être de nouveau revalorisé lui-aussi. Difficile de faire mieux. Alors qu’hier, utiliser du papier revenait à « tuer des arbres », des innovations permettent de remplacer le serpent qui tourne en rond en cercle vertueux. L’étudiant ukrainien Valentin Frechka a par exemple lancé l’entreprise Re-leaf paper qui recycle des feuilles mortes pour produire du papier. On retrouve les repères fondamentaux de l’univers, couchés –justement- sur papier par Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »

L’industrie du papier ne cesse de chercher des solutions pour fabriquer du papier sans bois mais à partir de fibres alternatives : chanvre, coton, bambou lin … et tout comme le Titanic, nous peinons à voir et connaitre ces quelques exemples innovants qui ne sont pourtant que la partie émergée de l’ice-berg !

Chaque année, nos partenaires papetiers, distributeurs et imprimeurs nous présentent des nouveautés. Un seul fabricant comme Fredigoni, avec lequel nous avons l’habitude de travailler, peut proposer jusqu’à 2500 références, 2500 références pour la plupart écoresponsables mais qui demeurent méconnues et donc peu demandées par les annonceurs.

A cette méconnaissance se couple également des contraintes budgétaires non négligeables car ces innovations doivent bien être financées. Néanmoins, là encore avec une bonne stratégie, il est possible de continuer à être gagnant en privilégiant le papier : « Il ne s’agit pas de faire un magazine ou un rapport annuel entier avec ces produits inédits, mais un papier bien choisi pour une couverture par exemple, peut suffire à offrir une expérience totalement nouvelle et en accord avec les valeurs et l’ADN de la marque émettrice. » souligne Sophie Pajot.  

En plus d’être recyclé, upcyclé, recyclable et durable, le papier peut même avoir une double utilité comme l’a montré récemment Heinz et ses étiquettes à planter chargées en graines de tomates. La résurrection du QR code en fait quant à lui un nouveau support de nos pratiques digitales. Bref, les possibilités sont infinies et il est possible de cumuler les bénéfices à foison.

Mais il reste encore deux limites potentielles à cet eldorado. La première concerne les plus esthètes d’entre nous. S’il est désormais plus écologique que nombreux sites riches en vidéos et animations futuristes, est-il vraiment possible de faire du « beau » avec du papier éco-responsable ? Nulle envie de coucher nos productions éditoriales sur ce papier brouillon que l’on transperçait systématiquement avec nos stylos plumes à l’école primaire, n’est-ce pas ?

Chers lecteurs, chères lectrices, rassurez-vous là encore ! Pour ce qui est de l’esthétisme, le papier durable n’a rien à envier au papier neuf. En effet, comme nous l’explique Sophie Pajot : « Le papier recyclé a des qualités très proche du papier aux fibres neuves ce qui permet d’arriver à une technicité très pointue, notamment grâce au mariage entre savoir-faire traditionnel et numérique. »

Papiers aux gaufrages sophistiqués, embossages finement rehaussés de feuilles d’or… le papier recyclé est une feuille blanche pour tous les raffinements que nos esprits peuvent imaginer.   

Nous voilà rassuré.es sur ce point. Cependant, qu’en est-il cependant de la pénurie de papier qui nous préoccupe ? Pour les raisons évoquées précédemment et du fait du monopole chinois sur la pâte de papier, nous voilà dans la panade. Pas encore au stade du scenario catastrophe que nous avons imaginé pour nous faire peur, mais tout de même au point de déplorer des problèmes d’approvisionnement et des flambées de prix. Tous les métiers liés au papier partagent ces déconvenues mais à chaque problème existe des solutions et nous ne voudrions pas qu’après cette apologie du papier que nous aimons tant, vous ne soyez découragé.es.

Pour tout projet imprimé, la clé est simplement d’anticiper davantage afin que nous puissions répondre à votre demande. En renforçant nos collaborations, nous pourrons encore et toujours avoir la fierté de produire de beaux objets, écoresponsable et surtout mémorables à l’attention de vos parties prenantes. De beaux objets qui témoigneront d’un travail d’équipe à même de traverser toutes les pénuries.

Une belle histoire que nous avons hâte, elle aussi, de coucher sur papier ! Ensemble, avec l’agence WAT ?