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Tribunes

9 décembre 2021

Thierry Delorme, Directeur général adjoint

Recruteurs, comment renouer avec les bons candidats ?

Agence WAT - Tribunes - Comment trouver les bons candidats

A l’heure des nouvelles incertitudes de fin d’année, la crise sanitaire continue de rebattre les cartes du marché du travail, mettant les recruteurs face à de nouveaux enjeux. Comment analyser ce nouveau paradigme ? Quelles conséquences pour les entreprises qui embauchent ? Comment peuvent-elles se repositionner ? Chiffres à l’appui, on vous dit (presque) tout !

Même s’il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet des conséquences de la pandémie sur le marché de l’emploi, tentons toutefois un premier retour… Au rayon des bonnes nouvelles, parce qu’il n’y a pas que l’inflation et Omicron dans la vie, le nombre d’offres d’emploi a considérablement augmenté (+ 69.4 % en août 2021 par rapport à août 2020(1)) et le nombre de chômeurs, quant à lui, a continué de baisser au 3ème trimestre 2021(2) :chômeurs en catégorie A (-9,7% sur un an) et pour les catégories A, B et C (-3,6% sur un an). Autre raison de retrouver le sourire : les intentions d’embauche n’ont jamais été aussi élevées qu’aujourd’hui : + 37 %(3) ! Du jamais vu depuis la création de cet indicateur… Un sourire toutefois terni par quelques difficultés et un paradoxe majeur !

Près de 6 millions de chômeurs toutes catégories et toujours autant de difficultés pour recruter…

Gardons le sens de la mesure car, si les voyants économiques semblent au vert et que 2021 restera une bonne année pour le marché de l’emploi, les difficultés de recrutement sont, elles aussi, d’actualité. Et c’est bien là le grand paradoxe : comment expliquer la coexistence de ces difficultés de recrutement et le niveau élevé du nombre de demandeurs d’emploi ? En octobre dernier, la très sérieuse Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), a avancé cinq explications (4).

En premier lieu, l’offre de travail peut s’avérer inférieure à la demande, en particulier lorsque les revenus de remplacement (chômage et minima sociaux) sont trop peu incitatifs à la reprise d’emploi.

La seconde explication tient à la mobilité, limitée, des travailleurs qui peut expliquer l’existence de difficultés locales particulières.

La troisième raison, structurelle et majeure, touche au manque de compétences ou plus exactement au déséquilibre entre l’offre et la demande de compétences (ou « skill mismatch ») : trop peu de personnes formées pour répondre à la demande au sein de métiers qui recrutent. C’est le facteur identifié dans 1 cas sur 3, particulièrement présent dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment ou de l’informatique.

Une quatrième raison tient au défaut d’attractivité de certains métiers qui présentent des conditions de travail et de salaire peu convaincantes aux yeux des candidats. La DARES mentionne les aides à domicile, les conducteurs routiers ou les ouvriers non qualifiés de l’industrie…

Enfin, un cinquième motif, conjoncturel, expliquerait également les difficultés de recrutement : l’intensité des embauches. C’est lorsque, à un instant T, il y a mécaniquement un afflux d’offres et les entreprises se retrouvent en concurrence entre elles car elles cherchent à recruter les mêmes demandeurs d’emploi au même moment ! Ce fut notamment le cas dans les mois qui suivirent la réouverture de pans entiers de l’économie en mai 2021 après plusieurs mois de gel des embauches.

Bref, recruter n’est pas si simple et selon le Ministère du Travail, 6 métiers sur 10 étaient déjà en forte tension en 2019. La situation actuelle ne devrait qu’accélérer encore ce phénomène…

Une nouvelle donne pour les recruteurs

Il est loin le temps où les entreprises n’avaient qu’à se baisser pour récolter de bons CV en un minimum de temps… Aujourd’hui, le recrutement est devenu un sport de combat où, spécialement dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment ou de l’ingénierie, il faut savoir jouer des coudes pour attirer les bons profils avant que ces derniers ne prennent le chemin de la concurrence. Jugés toujours plus complexes, les recrutements se font dans la douleur face à des candidatures faibles en nombre et souvent peu adéquates. Si on ajoute à cela le manque de temps et de personnel, la technicité des postes proposés, le déficit d’image de certains secteurs d’activité, on n’est pas loin de la crise de nerfs… La nouvelle tendance qui réjouit les recruteurs ? Le « ghosting ». Oui oui, cette pratique déjà courante sur les sites de rencontres et les réseaux sociaux gagne le marché de l’emploi. Certains candidats « plantent » littéralement leur potentiel employeur à quelques heures de la signature de leur contrat ou même après une semaine dans l’entreprise, sans aucune forme de justification. Déjà observée dans la restauration, les services à la personne ou le bâtiment, « la pratique s’étend à une population de cadres, qui jusqu’à récemment respectaient le pas de deux avec les entreprises », expliquait en septembre 2021 Catherine Rollot pour Le Monde. Comment justifier cette soudaine irrévérence ? Simple conflit de génération ou retour de bâton en direction de recruteurs eux-mêmes enclins à ne pas répondre aux candidats ? Quoi qu’il en soit, pour les entreprises, il est plus que jamais temps de (re)bâtir un contrat de confiance avec leurs candidats potentiels.

Comment renouer avec les (bons) candidats ?

Face à cette nouvelle donne, amplifiée par la crise sanitaire, les recruteurs n’ont plus d’autre choix que de revoir leurs méthodes pour attirer les bons profils. Comment ? En commençant par être exemplaires dans leurs propres pratiques. En effet, une relation de confiance s’établit sur la base d’une communication claire, impliquant notamment une certaine transparence. Fini donc les non-réponses aux candidats ; on prend le temps de leur donner des nouvelles de leur candidature, d’expliciter les raisons d’un éventuel refus… Bref, on les bichonne afin d’instaurer respect et considération ; des bases solides qui seront payantes le jour où l’embauche sera concrétisée, mais aussi si celle-ci n’aboutit pas car c’est ainsi que l’on constitue un vivier de qualité. En plus de la forme, le fond peut être à retravailler, côté recruteur, pour revoir l’expérience candidat en vue de la rendre plus rapide, plus fluide et plus attractive. Au programme : renforcement de la lisibilité des process de recrutement, refonte du site Carrières, amélioration de l’intégration des nouvelles recrues avec des parcours repensés à distance… Enfin, pour limiter les déconvenues avec des candidats désormais maîtres du jeu, il est impossible de se passer d’un travail de fond sur la promesse et la marque employeur. Prêt à lancer l’opération séduction ?

(1) Source : Adverstada – Marché de l’emploi France Septembre 2021 (2) Source : Pôle Emploi – DARES Demandeurs d’emploi au troisième trimestre 2021 (3) Source : Adverstada – Marché de l’emploi France Septembre 2021 (4) DARES – Quelle relation entre difficultés de recrutement et taux de chômage ? Octobre 2021 – Image de couverture – © Pixabay